Il faudra s'y faire, mais autant que vous soyez les premiers au courant : la cuisine moléculaire c'est terminé (à part quelques étourdis qui persistent avec la betterave lyophilisée), place maintenant, à la cuisine druidique. Vous verrez, c'est simple. C'est un peu joué au pipeau à un trou avec un air très sérieux. Cela se fait bien souvent avec une barbe de trois jours, des tatouages terribles sur les bras (un bibendum transpercé de flèches), des jeans moulants de grands timides et hop, une gorgée de vin naturel, c'est parti !
Grosso modo on en prend pour cinq-six ans. Ce n'est pas grave, c'est assez plaisant, calme et désespérément dépouillé. Un chant a capella. Vous retiendrez très vite les refrains (il n'y a pas de couplets). C' est une sorte de musique enfantine, nichée dans le jadis (Michel Bras, à Laguiole, est leur créateur mais personne ne leur rappelle), sérieusement oubliée puis pompée (Marc Veyrat), à nouveau cadenassée pour enfin s'afficher un peu partout (Noma à Copenhague, Passard, à Paris) et avec, à présent, un ruissellement de nouvelles tables hautement sympathiques : Chatomat, Septime, Vivant, Saturne, Racines…. Elles se veulent écologiques, respectueuses des petites fleurs et même si l'on rigole un peu, c'est du sérieux.
A tel point que le week end dernier, une flopée de chefs s'en sont allés, accompagnés des esbaudies de service, faire chantonner leur petit cœur sur les côtes du Japon, dans la préfecture de Kanazawa. On y a récité le credo du "cook it raw", sponsorisé par Nespresso et… ses capsules jetables, les beautés du développement durable, avec on l'imagine , pas mal de CO2 carbonisé pour ces auto-célébrations. Bref, avec la certification de la récupération, un nouvel ordre tente de s'imposer avec manifeste embué, posture druidique et prêt à penser.
Dans quelques semaines, on devrait pouvoir retrouver quelques vidéos sur ces réunions ou le grotesque enlace la supercherie. Sur place, un témoin se pinçait pour y croire avec au terme de son récit, une image comme on aime: " Des poules devant un couteau" . En attendant, nul besoin, de sortir ses mouchoirs ni des espèces de la banque (ces tables sont abordables), il suffit juste de remettre les choses en place. De commander sa poitrine de cochon grillé et de savourer ce qui nous mettra continuellement en joie. La table, ses poules et les couteaux. (photo F.Simon).