En publiant le classement des 50 meilleurs restaurants au monde, un magazine anglais prouve que cet exercice est gentiment idiot.
C’est plus fort qu’eux : chaque année, un jury de près de 806 professionnels de la gastronomie se penche sur une question devenue absurde : quel est le meilleur restaurant au monde ! Autant, il y a une cinquantaine d’années, l’exercice était périlleux mais jouable (le registre était encore étroit), autant maintenant, même sur une seule ville comme Paris ou Tokyo, il est devenu bien audacieux de vouloir ranger un genre qui connaît une formidable explosion depuis dix ans.
Peut-on affirmer qu’une excellente meilleure crêperie est meilleure qu’un succulente table de couscous (ou d’un comptoir à sushi, une cantine à pho, une trattoria…) ? Bien sot qui pourrait graver cela sur le papier. Et pourtant, nos amis qui sortent rarement de leurs propres frontières, viennent de sortir ce classement absurde.
Pour l’anecdote, on citera le premier : Noma au Danemark, excellente table au demeurant déroulant un minimaliste de haute nature (herbes, racines…). Ensuite, dans un surréalisme poilant, voici en 11eme place, le Chateaubriand (gentille table audacieuse du 11eme arrondissement, à Paris) devant l’Astrance, Gagnaire, Robuchon, Ducasse !
En fait, on avait oublié que c’est une tradition de ce classement qui plaçait déjà en 2002 la Coupole devant l’Ambroisie. Le grand bonheur de la gastronomie est devenu précisément une explosion d’instants heureux sans cette vision utopiste de ranger sous la botte des talents insaisissables. Le ridicule ne tue pas, on le savait, on sait maintenant qu’il illumine ces confréries insouciantes, décrétant un ordre mondial de Bisounours et ce, sous le regard cynique d’une eau gazeuse (San Pellegrino) sponsorisant à son insu un lobbying attendrissant.
La table, c’est la bonne nouvelle de ce classement, reste un univers certes absurde, parfois ridicule (là, c’est le pompon), mais en totale liberté. Il n’y a pas de meilleur restaurant au monde.
P.S. J'avais participé à ce jury il y a quelques années en espérant apporter quelque chose, notamment en ce qui concerne le continent asiatique lamentablement sous représenté (création depuis d'un jury à Tokyo) . Mais au bout d'un moment, j'ai renoncé. Cela m'apprendra! Pas de regrets pour autant, c'était mieux d'essayer que de couiner dans son coin..
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(photo qui n'a rien à voir: elle a été prise en Sicile, un reportage à venir très bientôt !)